La Gueille-Ferraille des mots
En faisant du rangement, je suis tombée sur un "livre" que j'ai depuis presque trente ans. En fait, il s'agit plutôt d'une publication artisanale, feuilles dactylographiées photocopiées et reliées de manièe sommaire.
"La Gueille-Ferraille des Mots" de Max-Henry GONTHIE
comportant comme sous-titre :
Eléments de vocabulaire populaire bordelais
Ce nom vient de l'ancien nom de la foire à la brocante où des chiffonniers ambulants y vendaient des tissus (gueilles) et vieux objets rouillés.
Chaque région a son langage propre, hérité de l'ancien français, de patois local, de langues régionales plus ou moins tombées dans l'oubli.
A Bordeaux, la langue gasconne était la langue officielle jusqu'au XVIème siècle. Avec l'utilisation du français par la bourgeoisie, le patois gascon ne fut plus utilisé que par le "bas-peuple". Mais les "gens bien élevés" se devaient de le connaitre, afin de pouvoir communiquer. Il s'en est suivi une utilisation d'expressions populaires, dont certaines sont encore un usage aujourd'hui encore.
Ce petit ouvrage en répertorie un grand nombre, qui à leur lecture, me renvoie souvent dans mon enfance, ressucitant les voix anciennes, les accents et intonations sonnant à mes oreilles.
Ce petit ouvrage édicte les principales régles de prononciations locales.
"Ignorance des syncopes française (type e muet). Là ou le bordelais compte 12 syllabes d'intensité inégale, mais toutes clairement accentuées : "une petite femme sur la fenêtre", le français n'en compte que 7, toutes atones "un'p'tit fam sur la fnètr"
"Les voyelles dites nasales ne sont que partiellement nasalisées et sont suivies d'une résonnance consonantique : Quand le bordelais dit : bon, pain, rien ... le parisien entend bong, paing, rieng"
C'est simple non ?
Je ne vais pas vous retranscrire toute la brochure, mais je voudrais quand même vous livrer quelques extraits, principalement dans le domaine culinaire.
Barragane : petit poireau sauvage qui poussait dans les règes (rangs) de vigne.
Bernique : une variété de coquillage
Cagouille : Escargot
Catalan : variété de champignon (lactaire délicieux)
Grattons : Genre de rillettes avec de gros morceaux de maigre.
Grenier : plat médocain à base de tripes de porc
Mange-tout : une variété de haricots
Goût de rimé : goût d'un laitage qui a attaché au fond de la casserole
Tourin : soupe à l'oignon. Tourin à la tomate, tourin blanchi -avec un oeuf-, tourin à l'ail. (Traditionnellement on porte le tourin aux jeunes mariés à l'issue de leur nuit de noces, vers les 5-6 h du matin, après les avoir cherchés dans leur retraite tenue secrète)
Sanguète : sang du poulet que l'on saigne. (recueilli dans une assiette dans laquelle on a disposé de l'ail ou de l'échalotte. Une fois le sang figé, on fait glissé le disque dans la poêle et on fait cuire)
Tremper la soupe : verser le bouillon sur le pain disposé en tranches ou morceaux dans l'assiette ou la soupière
Ventrêche : lard de porc, salée ou fraîche
Je ne résiste pas à l'envie de vous donner la définition de l'entrecôte :
"Plat typique bordelais. Pour le réussir, il suffit d'un ou deux fagots de sarments. Quelques échalottes cures et hachées, du pouvre, sel, un peu d'huile, un calendrier des postes pour éventer les braises, un gril et ... un morceau de viande de haute qualité. On peut compléter la recette par de la moëlle de boeuf, ou bien du vin rouge etc ... mais ce sont là raffinements sophistiqués et quelques fois trompeurs."
Et je peux vous dire qu'"ici", c'est à dire dans les foyers, l'entrecôte bordelaise c'est nature sur le gril avec des échalottes. Il n'y a que dans les restaurants qu'on la trouve "à la bordelaise" avec sauce au vin.
J'y ai retrouvé également de nombreux mots et expressions que j'utilise encore ... carasson, fraichin, cailler, mounaque, caguer, bourrier, cabanner les contre-vents, gonze, cavaillons, souillarde, chabrot, drôle et drôlesse, tu m'estounes, tantôt, vîme, clumer ...
Mais je suis sûre que je ne suis pas la seule à les utiliser ...